Saturday, April 01, 2006

Homélie pour un régime

De mémoire de juriste, la promulgation immédiate d'une loi destinée à ne pas être appliquée tant qu'elle ne sera pas modifiée n'avait jamais été expérimentée. Ne sachant pas comment se sortir d'un imbroglio politico-juridique dans lequel il s'est lui-même compromis en nommant une gargouille désormais à corps et à cris à la tête du gouvernement, le chef de l'Etat démontre une fois de plus que la plus grande erreur de casting, c'est lui.

Son allocution était attendue mais était-elle espérée? La décision du Conseil constitutionnel l'avait rendue obligatoire, décisive. De cette allocution aurait pu naitre un nouveau souffle, un dernier peut-être, pour cette présidence qui n'en finit plus de finir. Un chef de l'Etat garant et responsable de l'unité nationale permettant à ses partisans et à ses détracteurs de se retrouver autour d'une table pour discuter de ce projet qui pose les bonnes questions mais offre de mauvaises réponses à l'emploi et à celui des jeunes en particulier. La deuxieme lecture ou la suspension du projet auraient permis à tout le monde de garder la face sans pour autant aboutir à une aberration juridique comme celle offerte hier soir par Jacques Chirac. Ces deux solutions auraient offert un sursis donnant à son premier ministre le temps de convaincre les partenaires sociaux et l'opinion.

Mais le systeme Chirac ne permet pas tant de clarté. Avide de démontrer son courage politique, il souhaitait éviter la déroute et mettre fin au désordre. Il risque de récolter, selon la célèbre formule de Churchill, le déshonneur de la reculade et la guerre du maintien. Dernièrement, les commentaires allaient bon train quant à l'influence du Premier ministre sur le président. Manipulation, emprise, ou rapport filial, les raisons de ce désastre institutionnel tiennent en la personnalité autocentrée de Dominique de Villepin qui procedait en 1997 à une dissolution anticipée que les Anglais eux-mêmes n'auraient pas osée. On assiste en ce moment à un recentrage du pouvoir autour du chef du gouvernement et donc de la majorité parlementaire, ce que le Général de Gaulle abhorrait au plus haut point. Nous voilà revenus au règne des majorités émanant du Palais Bourbon alors que le souhait de l'homme du 18 juin était de mettre un frein aux considérations partisanes de bas-étage. Nous assistons à un effet de manche dont la ficelle crève les yeux.

Ce matin, je me suis donc réveillé en République bananière. Peut-être le score mirobolant de 2002 aura eu pour effet de lever toutes les inhibitions de l'exécutif ? Nous ne le saurons jamais vraiment. En tout état de cause, Dominique de Villepin ne peut dissoudre le peuple et Jacques Chirac ne pourra faire oublier ses atermoiements. Je n'ose ouvrir les journaux étrangers de peur d'etre assimilé à ce triste spectacle digne de Jarry.

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